L’art algorithmique est une pratique artistique qui consiste à définir un ensemble de règles qui doivent être suivies afin de produire une œuvre d’art, visuelle ou sonore. Depuis l’invention de l’ordinateur les algorithmes peuvent être exprimés sous la forme de programmes qui sont exécutés automatiquement par un ordinateur. Ainsi, les artistes collaborent avec l’ordinateur pour explorer des variantes d’algorithmes et de paramètres [1]. Il est aussi possible d’introduire des éléments alétoires dans l’algorithme et ainsi, chaque exécution génère une œuvre d’art unique. L’art algorithmique devient alors art génératif.
De nombreux artistes contemporains, à l’image de Lauren Lee McCarthy, Raphael Lozano-Hemmer, Licia He, Zach Lieberman, Olivia Jack ou Ryoji Ikeda développent des pratiques à l’intersection du logiciel et de l’art. S’il explorent tous des esthétiques et des formes différentes, du minimalisme audiovisuel d’Ikeda, à l’aquarelle automatique de Licia He, les pratiques de tous ces artistes ont un point commun : l’oeuvre d’art est le résultat de l’exécution d’un programme. L’oeuvre générée peut être projetée, diffusée à travers une installation lumineuse ou un dispositif sonore. Dans ce cas, l’oeuvre unique générée à un instant donné n’existe que pour l’audience présente à cet instant là. Parfois les artistes programment des machines pour amener les œuvres d’art dans le monde physique, par exemple avec un traceur [2]. Dans ce cas, une exécution particulière est fixée sur papier, sur bois ou sur métal et elle existe au-delà du temps de l’exécution du programme.
Les artistes qui pratiquent l’art algorithmique développent une expertise logicielle. Casey Reas et Ben Fry ont créé Processing au début des années 2000. Cette librairie Java est encore activement maintenue et développée aujourd’hui et fait partie de la boite à outils de nombreux artistes numériques. Lauren Lee McCarthy a créé une communauté inclusive d’artistes et de développeurs autour du projet open source p5.js [3]. P5.js est désormais au coeur de milliers d’oeuvres d’art, de projets pédagogiques et d’iniatives culturelles à travers le monde. De nombreux artistes documentent leurs œuvres sur des plateformes de logiciel libre telles que Github.
A mon arrivée au DIRO en janvier 2024, j’ai créé un cours d’art algorithmique [4] avec un double objectif. D’une part intégrer un regard sur l’art génératif et les pratiques logicielles des artistes dans le cursus des étudiant(e)s en informatique. D’autre part offrir une opportunité d’explorer le monde du logiciel libre et du développement dans les cursus d’art et design. Dans le contexte de ce cours, tous les étudiants ont participé au vernissage d’une exposition au carrefour des arts et des sciences de l’Université de Montréal. Chacun(e) a présenté son code, son œuvre et son concept devant une audience curieuse et découvrant cette pratique artistique.
Ce cours s’est appuyé sur mon expérience d’art génératif au sein du collectif re|thread [5] que j’ai créé à Stockholm en 2019, comme une résidence d’artistes dans mon groupe de recherche en génie logiciel. Nous avons créé des œuvres et des installations audiovisuelles à partir des concepts essentiels du logiciel (distribution, évolution, réutilisation, etc.) dans des musées et dans l’espace public. A la suite de cette expérience, j’ai intégré l’étude du logiciel libre développé par et pour les artistes dans mon activité de recherche.
[1] Éloge de l'ordinateur dans les arts visuels. Vera Molnar, 1984. http://www.veramolnar.com/blog/wp-content/uploads/VM1984_eloge.pdf
[2] Programming Art With Drawing Machines. Benoit Baudry & Martin Monperrus, 2024. https://ieeexplore.ieee.org/stamp/stamp.jsp?tp=&arnumber=10574501
[4] https://github.com/rethread-studio/algorithmic-art-course
Image : installation pour traceur et projection live de l’exécution du programme qui dessine l’oeuvre d’art. (crédit photo : B. Baudry)
Benoit Baudry